Une mode parfois très fleur bleue
Manger des fleurs est redevenu à la mode. Un marché est ouvert pour les producteurs. Chez Midiflore, elles représentent un chiffre d’affaires de plus en plus important, et la demande devrait retrouver des couleurs dès la pandémie terminée.
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Sylvie Recouvrot, architecte de formation en reconversion, a racheté fin 2016 avec son mari, Thierry, ex-directeur administratif et financier d’une grande entreprise, Midiflore, à Hyères (83). Créée depuis une vingtaine d’années, l’exploitation horticole produisait alors principalement des herbes aromatiques et moins de 10 000 barquettes par an de fleurs comestibles. « Nous avons changé la façon d’exploiter, explique Sylvie Recouvrot. Nous sommes passés au bio avec un label, HVE 3, et avons installé une station de lavage des plantes. Nous avons accentué la production de fleurs : nous en commercialisons désormais plus de 100 000 barquettes par an. » L’entreprise initiale cultivait 95 % d’aromatiques et 5 % de fleurs, l’équilibre est aujourd’hui à 75/25. Elle ne vend que du coupé et de l’ultrafrais, les commandes arrivées le matin avant 6 h sont livrées au fur et à mesure de la matinée.« On pourrait stocker le produit, mais on n’en a pas le temps ! »
Midiflore écoule la quasi-intégralité de sa production via des grossistes bien établis auprès des restaurateurs : « En direct, il y aurait trop d’établissements à livrer pour de petites quantités », précise Sylvie Recouvrot, qui le fait toutefois pour certains clients qui effectuent de plus grosses commandes.
Une cinquantaine de références en fleurs comestibles
Côté aromatiques, l’entreprise a conservé toute la « grosse cavalerie » : persil, basilic, thym, coriandre, etc. mais aussi des espèces moins demandées, telles la livèche, l’agastache, la menthe chocolat… En revanche, pour les fleurs comestibles, une cinquantaine de références sont proposées, une dizaine constituant de grosses ventes : la pensée, la bourrache, l’œillet, le bégonia, le mimosa, la roquette… Certaines, comme la sauge ananas, sont plus marginales, mais répondent à des demandes plus ciblées, parfois obéissant à des effets de mode, tout en complétant utilement la gamme. Midiflore cherche parfois à satisfaire des tendances passagères. Actuellement, le pois bleu, Clitoria ternetea, est à l’essai pour un usage inhabituel : colorer l’eau du thé ! La demande a semble-t-il explosé : il en faudrait une cinquantaine de kilos par mois !
« Nous avons suivi la demande, la mode de la consommation de fleurs dans les restaurants, précise Sylvie Recouvrot, de même que les attentes des grossistes. À Saint-Tropez, nous en fournissons un qui nous prenait un tout petit peu de fleurs au départ et qui aujourd’hui nous en achète de grosses quantités. » Cette mode, la productrice ne sait pas exactement d’où elle vient : des réseaux sociaux ? du plat signature ou de la médiatisation d’un chef ? des émissions télévisées sur la gastronomie ? Toujours est-il que l’entreprise doit réaliser trois plantations de pensées par an, pour ne citer que ce classique.
Chez des restaurateurs pour parler des produits
Les quelque sept hectares de pleine terre, tunnels et serres au site d’Hyères et les 2 ha en location à La Farlède, près de Toulon, ainsi que la dizaine de salariés de l’entreprise ne sont pas de trop pour assurer le suivi en bio des cultures – « Les clients veulent du bio, mais s’ils trouvent une limace, c’est la catastrophe ! » –, planter et récolter… Midiflore ne fait toutefois pas partie des gros faiseurs en France et ne souhaite pas le devenir, pour ne vendre que sa propre production et pas des compléments de gamme avec de l’import, comme il semble que ce soit assez souvent le cas. « Nous achetons tout de même un peu l’été, au moment de la plus forte demande, en local, si besoin, précise la cheffe d’entreprise. Et parfois, en hiver, nous nous fournissons un peu au Maroc, mais nous sommes transparents sur ce point avec nos clients ! »
« Il nous est arrivé de nous rendre chez des restaurateurs pour parler de nos produits et nos clients grossistes défendent bien nos gammes », poursuit Sylvie Recouvrot, qui explique avoir fait de gros investissements. Mais elle estime qu’en retour « ses clients jouent le jeu et nous pouvons travailler sereinement ». Enfin, c’était surtout vrai avant la pandémie de Covid-19. Au printemps 2020, pendant le premier confinement, les ventes ont été faibles, puis ont repris de plus belle avec l’accalmie de l’été. La fermeture des restaurants au moment de la seconde vague de coronavirus a de nouveau mis un frein à l’activité, sept des dix salariés de l’exploitation ont dû être mis au chômage technique. Mais Sylvie Recouvrot reste persuadée que dès que tout sera terminé, les ventes repartiront de l’avant.
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :